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Les BMVR – un aménagement du territoire ?

Entre 1992 et 1997, l’Etat lança un appel à projets afin de construire de grands établissements de lecture publique dans les territoires.

Ce programme, créé par l’article 4 de la loi du 13 juillet 1992, avait une durée limitée dans le temps : en effet, seuls les projets validés avant le 31décembre 1997 pouvaient prétendre à ce financement de l’État. La loi précisait la chose suivante :

« La seconde fraction des crédits mentionnés à l’article 60-2 est destinée à la construction et à l’équipement des bibliothèques municipales à vocation régionale.

  » Une bibliothèque municipale à vocation régionale est un établissement situé sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de communes d’au moins 100 000 habitants ou chef-lieu d’une région, et répond notamment à des conditions de surface, d’importance du fonds et de diversité de supports documentaires, d’aptitude à la mise en réseau et d’utilisation de moyens modernes de communication fixées par décret en Conseil d’Etat.

Les crédits mentionnés au premier alinéa du présent article sont répartis dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.   La liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de ces crédits sera close au plus tard le 31 décembre 1997. « 

Douze projets ont été retenus, et leur liste fut publiée dans un arrêté le 8 juin 1998 :

  1. Châlons-en-Champagne
  2. Limoges
  3. Marseille
  4. Montpellier
  5. Nice
  6. Orléans
  7. Poitiers
  8. Reims
  9. Rennes
  10. La Rochelle
  11. Toulouse
  12. Troyes

Ils se distinguèrent par leur écriture architecturale ainsi que par le traitement des espaces intérieurs et la mise en espace des collections documentaires et patrimoniales.. Sur ce dernier point, ils s’étaient inspirés des avancées déployées lors de la construction de la bibliothèque de la Part Dieu à Lyon (départementalisation des collections). Cependant, ils allèrent bien au-delà en intégrant une structuration des collections en fonction des préoccupations du public : une division des espaces et des collections s’appuyant sur les catégories d’âge. L’espace Intermezzo de la médiathèque José Cabanis de Toulouse en fut le meilleur exemple.  Sur le plan de l’architecture, ces projet innovèrent également ; en témoignent la finesse du traitement de la lumière dans le bâtiment de Pierre Riboulet à Limoges ou encore la Médiathèque du Grand Troyes due à Pierre Du Besset et Dominique Lyon qui reçut en 2002 l’équerre d’argent.

Les BMVR innovèrent . Elles procédaient, par ailleurs, d’une volonté d’aménager le territoire, de le rééquilibrer en termes de lecture publique après la construction et l’inauguration de la BnF à Paris. Ce fut un demi-succès dans la mesure où le principe retenu était celui d’un appel à projets. La couverture géographique ne fut pas uniforme et certaines régions disposent désormais de deux voire trois BMVR (notamment la Champagne-Ardenne pour une population s’élevant à peine à un million d’habitants).

Ces grands établissements – cathédrales modernes – ont désormais un coût de fonctionnement important tant en termes de fluides qu’en termes de masse salariale. ils absorbent les capacités de la majorité des réseaux de lecture publique dont ils sont la tête, à l’exception notable de quelques situations emblématiques où la lecture publique est posée comme l’un des outils clefs de la politique culturelle locale (on peut notamment citer en ce sens le réseau de Montpellier agglomération ou encore celui de la ville de Toulouse).

Quinze ans plus tard, que peut on conserver de ce programme qui a contribué à largement transformé le paysage de la lecture publique français ? Les BMVR ont permis de poser les bases :

  1. d’un réseau étoilé sur le territoire nationale dont la BPI peut assurer le pilotage ;
  2. d’une nouvelle vision architecturale des bibliothèques ;
  3. celles également du troisième lieu car la convivialité et une place plus réduite accordée aux collections ont souvent été les maîtres mots des projets ;
  4. d’un métier – celui de conservateur – qui a largement évolué alors pour se rapprocher de celui des gestionnaires de structures ;
  5. d’une nouvelle vision de l’accueil du public ;
  6. ainsi que celle d’une nouvelle manière de pratiquer la médiation, notamment autour des questions patrimoniales.

Ces bibliothèques ont fait école. Une fois le programme clos, d’autres grands projets ont émergé reprenant les bases jetées, notamment celui de Pau qui est désormais ouvert, ou encore celui de Caen.

Les BMVR ont donc contribué a aménager le territoire, mais sans pas à la hauteur des ambitions de départ.

Lecture publique et territoires : à l’heure du renforcement de la périurbanisation

La récente création d’un ministère en charge de l’égalité des territoires attire l’attention, tout particulièrement quand la réflexion géographique livre à notre sagacité une analyse sur l’évolution urbaine du pays. De fait, la DATAR a posé et pose régulièrement un regard distancié sur l’évolution urbaine du pays. Et, si désormais plus de 80% de la population française vit dans une aire urbaine, ce sont les marges des villes qui se développent, et ce de manière très diversifiée. La périurbanisation est le phénomène majeur de ces 15 dernières années ; elle a changé l’espace en France, entre rurbanisation et mitage. Ce phénomène a créé une multitude d’espaces urbains interstitiels en marge des métropoles et des villes moyennes. Désormais l’enjeu principal en matière d’aménagement du territoire tient dans la gestion, la vie et l’équipement de ces espaces fait de petites villes de moins de 50 000 habitants le plus souvent. La ville s’est fragmentée ; il convient de réunir ces morceaux éparses.

Ces territoires sont ceux qui ne possèdent pas d’équipements suffisants, notamment de structures culturelles ; et les bibliothèques figurent au premier rang. Les politiques publiques s’en sont saisies au milieu des années 90. Le programme des ruches porté par la DLL – à l’époque – avait pour vocation un rééquilibrage des territoires ruraux et périurbains. Il s’est tari. La politique des Contrats Territoire Lecture s’inscrit également dans ce cadre. Toutefois, ils ne portent que sur le développement culturel ou la préfiguration d’équipement. Une politique publique reste à reconstruire dans ce contexte.

Elle devra forcément mettre l’accent :

  • sur des équipements mixant les services et les usages culturels,
  • facilement accessibles et ayant une vocation d’équilibre,
  • un portage par un EPCI,
  • une politique d’action culturelle renforcée ainsi qu’un service hors-les-murs efficace.